Le tissu habille, agrémente, enjolive ou caresse. Doux matériau, il se laisse emprisonner dans un petit tracé de fil dont l’aiguille, en digne exploratrice sous-cutanée, est une tête chercheuse qui n’aurait qu’une envie, se fondre dans la masse légère et froufroutante. Las, seul le fil a l’opportunité délicate de faire corps avec la dentelle, le lin ou la toile de jute. En maître d’œuvre attitré de l’ouvrage, la plasticienne Isabelle Fremiot, sur une démarche couturière quasi originelle, fait

s’émouvoir de petites bonnes femmes enrobées de grâce, tout en rondeurs et nudité. Le tissu habille et déshabille des créatures sexuées et sexy, sans visage car le corps parle pour elles. Seuls les portraits ont droit de regard. Le tissu agrémente un support parfois en totale antinomie avec le brin de tendresse qu’il assimile. Le bois ou le métal, porteurs des courbes féminines, plaident leur masculinité avec la force qui leur sied. Découpe, tranchage, tronçonnage et ponçage le disputent à la

soudure et à la meule. Mélange des genres, l’héritage est équitable. A moitié mère, pour la couture, à moitié père et son atelier de ferronnerie d’art repris comme un hommage brut et posthume. De la maternité seize ans auparavant naissent les bonnes femmes d’Isabelle, de ce désir de concevoir au-delà de la chair. Il en naît des œuvres d’art sobres et pourtant éminemment criantes de vrai et de fragilité. Car le tissu enjolive et caresse au-delà de la raison, il libère du carcan étroit des conventions. Il se marie avec tout, y compris de vieux papiers imprégnés par l’Histoire, genèse d’un temps passé, donc vécu. Fixateur d’éternité, le fil zigzaguant sur l’œuvre est une ligne de vie, tandis que le décorum des couleurs, apparaissant après collage des matières, se révèle souvent une bien belle surprise.

Texte écrit par Géraldine Cognard